OBJECTIF AURORE

récit d'un voyage en Finlande par Denis JOYE

 

 

Observer une belle aurore boréale, tel était mon vœu le plus cher en cette fin de l’année 2001. Mis en appétit par l’observation de deux aurores diffuses en région parisienne en avril et en octobre 2001, je décide donc d’organiser un voyage en groupe pour une quinzaine de personnes dans l’espoir de partager avec d’autres passionnés, l'observation de ce phénomène extraordinaire.

Au début de cette année 2002, l’activité solaire intense et la nuit polaire qui règnent sur les régions polaires arctiques fournissent un contexte favorable pour l’observation des aurores boréales. Pour des raisons de facilité d’accès, le choix de la destination se porte sur Rovaniemi en Laponie finlandaise. Rovaniemi est une petite ville d’environ 30 000 habitants situé 10Km au sud du cercle arctique et disposant d’un aéroport bien desservi par les grandes compagnies aériennes.


Rovaniemi et la Finlande - Document KUONI

 

Après avoir pris contact par e-mail avec quelques observateurs finlandais passionnés par les aurores, j’obtiens l’assurance que Rovaniemi est un lieu favorable pour les observations aurorales, sous réserve de s’éloigner d’au moins 15 kilomètres de la ville afin d’échapper aux désagréments de la pollution lumineuse.

Par mesure d’économie de budget, je décide de limiter à trois jours la durée de ce voyage (à titre indicatif, le budget global par personne s'élève à 750 Euros). Avec le recul, espérer observer une aurore dans un laps de temps aussi court représentait une réelle gageure !

Pour augmenter les chances d’observation, deux critères entrent en ligne de compte pour le choix de la date du voyage. Celle-ci doit être suffisamment proche de celle de la nouvelle lune, pour éviter la gêne occasionnée par le clair de lune.

La probabilité d’aurore dans cette période se doit d’être importante. Il existe une source d’information permettant de connaître la probabilité d’apparition d’aurore à 27 jours. Cette source est mise à disposition par l’organisme américain du SEC (Space Environment Center) à l’adresse gopher://sec.noaa.gov/00/weekly/27DO.txt. Le SEC établit une prévision tenant compte des taches solaires persistantes et de la rotation du soleil. La période du soleil de l’ordre de 27 jours permet de prévoir la réapparition de certaine taches et donc d'établir une probabilité d’apparition des aurores (sans garantie, bien sûr !).

La période du voyage est fixée du 17 au 20 janvier. Les coefficients affichés par la prévision du SEC dans cette période, permettent d’espérer un événement d’amplitude importante.

Parmi tous les facteurs de risques susceptibles de compromettre l’observation d’une aurore, le risque météorologique reste de loin le moins prévisible.

Nonobstant, nous sommes 17 participants à décoller de Paris le 17 janvier. Suite à l’annulation d’un vol direct initialement prévu, notre voyage comporte une brève escale à Stockholm. Un deuxième avion nous dépose dans la ville portuaire suédoise de Lulea située à proximité de la frontière finlandaise. Le reste du voyage s’effectue dans un autocar qui nous amène jusqu’à notre hôtel à Rovaniemi après 3 heures de route.

A 2300 kilomètres de Paris, nous somme maintenant plongés dans l’hiver lapon. La campagne laponne est une succession à perte de vue de forêts enneigées et de lacs gelés. La température ambiante est très variable, oscillant entre +5°C lorsque le ciel est couvert et –25°C par " beau temps ". A cette époque le jour se lève aux environs de 10H00 et la nuit tombe vers 15H00. Pendant le jour, le soleil qui culmine à 5 degrés au dessus de l’horizon, maintient la campagne laponne enneigée dans une atmosphère permanente de soleil couchant.

 


Nous sommes plongés dans l’hiver lapon – Photo Marie-Claude PASKOFF

 

Pendant les deux premiers jours passés à Rovaniemi, le ciel reste désespérément gris. La persistance de cette couverture nuageuse commence à me laisser un goût amer. J’entrevois déjà un échec cuisant à l’issue de ce voyage.…

Heureusement, quelques activités divertissantes permettent aux participants de se consoler, en admirant la beauté du paysage. A Rovaniemi en cette saison, il est très facile de pratiquer, la randonné en raquettes, le ski de fond, la motoneige, la promenade en traîneau à rennes ou en traîneau à chiens. Chaque excursion comporte toujours un arrêt, où il est permis de déguster le traditionnel jus de baies rouges servi bien chaud, que je recommande absolument à tous les lecteurs !

 


Quelques activités divertissantes – Photo Denis Pierret

 

Rovaniemi est une ville entièrement reconstruite après sa destruction complète pendant la deuxième guerre mondiale. Entre autres curiosités figurent :

 


L’église de glace à Rovaniemi – Photo Eric Blau

 

 

Au matin du troisième jour, de belles éclaircies et une chute importante de la température laissent espérer quelques possibilités d’observations si une aurore se produit avant notre départ déjà prévu pour le lendemain.

 


Nette amélioration du temps au matin du 3
ème jour – Photo Denis Pierret

 

Une excursion à motoneige d’une durée de 2H00 est prévue au programme, après la tombée de la nuit. A 18H00 le cortège des motoneiges s’éloigne de Rovaniemi, empruntant à allure moyenne le cours d’une rivière gelée. La température est inférieure à –20°C mais nous sommes tous bien protégés par des combinaisons épaisses fournies avec les motoneiges. Le ciel assez bien dégagé laisse admirer le fond étoilé, où il est permis d’observer l’étoile Vega dans la constellation de la Lyre, encore invisible en cette saison sous nos latitudes. Seules quelques traînées claires filiformes et isolées, sans doute des cirrus, parsèment le zénith.

Assis sur ma motoneige, je scrute le ciel vers le nord dans la direction de la Grande Ourse à la recherche d’une vague lueur aurorale, mais rien n’apparaît. Au bout d’une heure, après avoir parcouru environ 10Km, notre guide effectue une halte à proximité d’une cabane et allume un feu de bois pour faire griller quelques saucisses.

Dédaignant les saucisses qui me sont proposées, je lève les yeux au ciel vers le zénith, intrigué par la lueur des cirrus qui semble alternativement s’intensifier puis faiblir. Progressivement les traînées filiformes se joignent les unes aux autres, constituant un arc gigantesque qui s’étend de l’horizon Est à l’horizon Ouest en passant par le zénith. Enfin…. La chance est avec nous, l’aurore tant espérée est au rendez-vous !

 


Enfin…. La chance est avec nous – Photo Denis JOYE
Addition de 3 poses de 8 secondes avec EPSON 3000 – Jupiter est visible à droite de Castor et Pollux
En bas à droite les lumières de Rovaniemi réfléchies par les nuages

 

Une clameur jaillit dans le groupe des participants qui s’empressent d’installer appareils et trépieds pour immortaliser le phénomène. A cet instant, l’arc auroral visible au-dessus de notre tête n’est pas encore suffisamment lumineux pour que l’on puisse distinguer la moindre couleur.

Après une demi-heure d’observation intense, notre guide apparemment indifférent au spectacle, est visiblement lassé et légèrement irrité par le peu de succès remporté par les saucisses grillées. Il nous presse donc de nous remettre en selle sur nos motoneiges pour regagner Rovaniemi .

Pendant le retour vers Rovaniemi, le ciel prend des allures féeriques. Les participants qui gardent le regard fixé vers le ciel, essayent tant bien que mal de respecter les distances entre les motoneiges et d’éviter les collisions.

En l’espace de quelques minutes, l’arc auroral rectiligne s’est transformé en une succession de méandres semblables aux replis d’un rideau de toile observé par le bas. Cependant, à ce stade, l’aurore reste encore diffuse. Eblouis par les faisceaux des phares de nos motoneiges, nous somme encore incapables de définir la couleur de ce phénomène.

Il est 20H00 lorsque nous sommes de retour à Rovaniemi. J’utilise le terminal Internet de notre hôtel pour vérifier en temps réel la situation aurorale. Je me connecte sur le site http://www.sec.noaa.gov/pmap/index.html qui fournit des informations sur l’intensité de l’activité aurorale pour chaque hémisphère. Je suis ravi de constater à ce moment que le niveau général de l’aurore se maintient au maximum soit au niveau 10 sur l’hémisphère nord. Le spectacle n’est pas encore terminé !

 


L’aurore se maintient au niveau 10 - crédit NOAA SEC

 

Nous demandons à l’hôtel de nous préparer des sandwiches et nous nous rendons en taxis à Ounasvaara. Ounasvaara est une petite station de ski située sur une colline qui domine le sud de Rovaniemi. Elle offre un point de vue idéal pour observer l’aurore dans toutes les directions.

Arrivés sur place, nous contournons fébrilement le complexe hôtelier installé au sommet de la colline, à la recherche d’une lueur. Nous arrivons finalement sur une esplanade qui constitue le départ de l'unique piste de ski de la station. Cette esplanade offre une vue magnifique sur la ville de Rovaniemi qui scintille dans la nuit.

Et là, c’est l’émerveillement ! Nous apercevons dans la direction du nord-est un magnifique segment de rideau dont la couleur vert émeraude quasiment irréelle rivalise avec les lumières de la ville située en contrebas .

 


C’est ma première vision d’une aurore verte – Photo Denis JOYE
Addition de 3 poses de 8 secondes avec EPSON 3000

 

C’est la première vision que j’ai d’une aurore verte. Ce rideau reste visible pendant quelques minutes en ondulant lentement. Il disparaît complètement puis réapparaît à un autre endroit du ciel, effectuant ainsi un va-et-vient d’est en ouest. Tel une explosion de feu d’artifice, chaque réapparition du phénomène déclenche une clameur des participants.

A la limite inférieure de ce rideau, nous apercevons une multitude de franges verticales qui telles des braises attisées par le vent, se gonflent de lumière puis perdent progressivement leur éclat en l’espace de quelques secondes.

Ce spectacle me donne la chair de poule et me rappelle l’impression que j’avais ressentie à la vue de ma première éclipse totale de soleil en août 1999.

La piste de ski est bordée de grands conifères qui obligent les observateurs à prendre du recul, chaque fois que l'aurore se déplace.

Un ballet comique se met en place, dans lequel les photographes partent en courant alternativement vers la gauche et la droite de la piste pour planter leur trépied et effectuer une prise de vue. Par moment, le déplacement de l'aurore est si rapide que le temps de poser le trépied et de pointer l'appareil dans la bonne direction, le phénomène a déjà disparu.

Nous sommes bien surpris d’être les seuls à observer ce spectacle magnifique qui manifestement laisse indifférents les habitants de la ville et les touristes. Mais soyons lucides, une aurore en Finlande doit être aussi exceptionnelle qu'une averse en France ! De plus par ce froid glacial, il n'y a pas vraiment beaucoup de monde dehors.

Au bout d'une heure, le phénomène finit par décroître en fréquence et en intensité. Avec une température extérieure inférieure à –20°C, nous sommes tous progressivement vaincus par le froid à force de rester immobiles en attendant chaque réapparition.

Finalement, nous regagnons à pied l’hôtel, bien heureux d’avoir vu ce que nous souhaitions.

Seul un petit noyau irréductible de 4 participants continue à braver le froid intense dans l’espoir de voir réapparaître le phénomène. Ils n’attendent pas en vain et sont bien récompensés de leur attente. Vers minuit, ils ont droit à un superbe bouquet final avec une intensité encore bien supérieure. Entre minuit et une heure et demie du matin, l’aurore prend des allures fantomatiques. Ainsi se succèdent des spirales, des tourbillons, des formes extraordinaires, des gerbes descendant du zénith qui illuminent la cime des arbres.

 


Ainsi se succèdent des spirales, des tourbillons…. Photos Frank Trophardy
Pose 30 secondes sur Kodak Pro E200

 


Des gerbes descendant du zénith…. Photo Frank Trophardy
Pose 30 secondes sur Ektachrome 400

 

Au vert émeraude, s’ajoute finalement le rouge sombre et le violet pour former un cocktail somptueux.

 


Au vert émeraude, s’ajoute le rouge sombre et le violet – Photo Alain Gueguen.
Pose 30 secondes sur Kodak Pro E200
Près du centre de l’image, les Pléïades

 

Pour ma part, ayant déjà regagné l’hôtel depuis longtemps, je continue inlassablement à surveiller le ciel. Je profite de l’apothéose finale bien au chaud derrière la fenêtre de ma chambre d'hôtel, mais fortement gêné par les lueurs de l’éclairage du centre ville . Tout cela me fait bien regretter de n'être pas resté avec les quatre téméraires au sommet de Ounaasvara !

Finalement, depuis le premier jusqu'au dernier épisode, cette aurore aura duré en tout plus de sept heures. Elle aura laissé un souvenir impérissable à tous les participants à ce voyage.

 


Je profite du spectacle derrière la fenêtre de ma chambre d’hôtel – Photo Denis JOYE
Pose de 8 secondes avec EPSON 3000

 

L’objectif est donc atteint. Le lendemain matin, nous décollons de l’aéroport de Rovaniemi pour regagner Paris, la tête pleine d’images inoubliables.

 


Décollage de Rovaniemi – Photo Denis JOYE

 

Je tiens à remercier l’équipe commerciale de KUONI France pour sa réactivité et son aide précieuse lors de la préparation de ce voyage.

 

 

 

Pour voir d’autres images de ce voyage, se reporter aux sites web suivants :

Denis JOYE - http://djoye.chez.tiscali.fr/Aurore-19-01-2002.html

Alain GUEGUEN - http://poinvirgulman.free.fr/aurores/rovaniemi_janvier_2002.htm

Frank TROPHARDY - http://astrosurf.com/fty/FR/aurore/aurore.html#

 

Pour obtenir des renseignement intéressants sur les aurores en Finlande, consulter le site web suivant  :

http://cc.oulu.fi/~thu/Aurora/forecast.html